Santé mentale et violences : un état des lieux préoccupant pour les soignants libéraux
L’Association SPS (Soins aux Professionnels de la Santé), Doctolib et Grenoble Ecole de Management (GEM) se sont associés pour contribuer à documenter les enjeux de santé mentale des soignants libéraux à travers une étude menée auprès de 1 550 soignants libéraux. Les résultats alertent sur une généralisation inquiétante du mal-être psychologique, des violences subies et d’un déséquilibre croissant entre vie professionnelle et personnelle dans l’exercice libéral.
La méthodologie de l’étude et sa réalisation ont été confiées à Grenoble Ecole de Management qui a élaboré un questionnaire selon des protocoles académiques rigoureux, puis l’a administré à un large panel de soignants libéraux, une population rarement étudiée.
Pour Catherine Cornibert, Directrice générale de l’Association SPS:
« Si de nombreuses études se sont intéressées à la santé des soignants du secteur hospitalier, celle des libéraux reste trop peu documentée, alors qu’ils représentent un tiers de nos soignants. Mieux comprendre les enjeux de santé des professionnels libéraux, c’est mieux les accompagner, les soutenir et leur proposer des réponses adaptées. »
L’étude a été conduite au mois de mars 2025 auprès de 1 550 soignants libéraux exerçant en France, issus de professions diverses : médecins généralistes, médecins spécialistes, psychologues, sage- femmes, pharmaciens, masseurs-kinésithérapeutes, podologues et chirurgiens- dentistes. Elle propose également des recommandations concrètes pour leur permettre d’exercer leurs missions plus sereinement.
UNE SANTÉ MENTALE À RISQUE ET UNE BANALISATION DE LA VIOLENCE
Les résultats de l’étude sur le niveau d’épuisement des soignants libéraux interrogés sont sans appel :
- 60 % déclarent ressentir fréquemment une fatigue générale liée à leur activité ;
- 39 % présentent un score critique d’épuisement professionnel[1] ;
- Près d’un répondant sur cinq présente un diagnostic formel de burn-out (18 %)1 ou de dépression (19 %).
Ces chiffres vont dans le sens d’enquêtes précédentes sur le niveau de souffrance psychologique dans l’exercice libéral, notamment l’étude menée par l’INSERM avec Doctolib en 2022 où 71 % des médecins libéraux déclaraient souffrir de burn-out pendant la seconde vague de Covid-19.
Selon le Docteur Eric Henry, Président de l’Association SPS :
« La charge des soignants libéraux s’alourdit quand on ferme une petite maternité ou un hôpital de ville moyenne, qu’on impose le passage par le 15 pour accéder aux urgences, qu’on suspend un service d’urgence faute d’effectifs. Le système hospitalier risque de transférer aux soignants libéraux ses trop nombreux burnouts des dernières années. »
L’enquête illustre également une tendance très forte et alarmante de la banalisation de la violence dans l’exercice libéral. Sur les deux dernières années :
- 41 % des soignants déclarent avoir été victimes d’agressions verbales ou de menaces ;
- 19 % ont subi une ou plusieurs tentatives de vols ;
- 6 % rapportent même avoir subi une agression physique ;
- Des violences qui ont une conséquence directe sur la santé mentale des soignants : ils sont 63 % à ressentir du stress, de la peur et de l’anxiété, et 41 % à perdre en motivation pour leur travail.
UN ÉQUILIBRE DE VIE PRÉOCCUPANT ET DES VOCATIONS FRAGILISÉES
Selon l’étude, pour 75 % des soignants libéraux interrogés, l’activité professionnelle empiète de manière chronique sur leur vie privée :
- Seuls 17 % des répondants parviennent réellement à préserver une séparation nette entre les deux sphères ;
- La moitié des répondants estiment que leur équilibre de vie est à l’heure actuelle insatisfaisant ;
- La surcharge administrative contribuerait à cette dégradation de la qualité de vie au travail : plus de la moitié des interrogés (55 %) estiment que les tâches administratives occupent une place « souvent » ou « tout le temps » trop importante, au détriment du temps consacré aux patients.
Le quotidien et les conditions de travail des soignants libéraux risquent également de fragiliser l’attractivité de ces métiers :
- Seulement 60 % des interrogés disent garder leur vocation intacte aujourd’hui ;
- Un soignant sur deux se dit prêt à recommander sa profession à un jeune en formation (52 %) ;
- 32 % déconseillent explicitement leur profession.
Malgré tout, les soignants sondés estiment que leur travail est toujours valorisé. La relation avec leurs patients reste une source de satisfaction professionnelle pour 74 % d’entre eux.
DES LEVIERS CONCRETS POUR AGIR
Le partage de l’étude permet aussi de transmettre plusieurs recommandations en mesure de contribuer à lutter contre la souffrance psychique des soignants libéraux :
- Des lignes téléphoniques dédiées anonymes et confidentielles, ouvertes 24/24h, 7/7j et 100 % décrochées par des psychologues cliniciens formés à l’écoute des soignants ;
- La création de groupes de parole ou de supervision dédiés entre soignants ;
- L’organisation de journées de formation et de sensibilisation des soignants aux violences dans les milieux de soin et aux mécanismes du burnout pour les inciter à réagir rapidement ;
- Encourager et soutenir l’exercice coordonné (MSP, maisons de santé pluriprofessionnelles, ESP, équipes de soins primaires ou encore CPTS, communautés professionnelles territoriales de santé), pour rompre l’isolement professionnel, partager la charge administrative et faciliter les remplacements entre confrères ;
- Faciliter le recrutement d’assistants administratifs et d’assistant médicaux ;
- Soutenir les démarches de dépôt de plainte en cas d’agression.
DES ACTEURS MOBILISÉS POUR AGIR DÈS MAINTENANT
Plusieurs mesures sont déjà engagées, portées par les partenaires de l’étude. Doctolib, en tant qu’acteur quotidien du système de soins libéral, a notamment lancé ou programmé les actions suivantes :
- Le lancement d’une campagne de sensibilisation auprès des patients dès cet été pour encourager un dialogue respectueux entre soignants et patients ;
- La formation à la détection des signes de burn-out de toutes les équipes en contact avec les soignants ;
- Mise en place d’un service d’accompa- gnement, conçu spécialement pour les soignants qui souhaitent repenser leur organisation lors des moments clés de leur carrière (installation, maternité, évolution d’activité), bénéficier de conseils pratiques et personnalisés et/ou accéder à des analyses comparatives par spécialité pour identifier les meilleures pratiques.
SPS, association référente sur la santé des soignants s’engage pour un accompagne- ment de proximité, qui s’articule autour de sa démarche de régionalisation engagée depuis 2023 :
- Défendre la santé des soignants comme priorité nationale à travers ses actions telles que son colloque « La santé des soignants : grande cause nationale 2026 ? » au ministère de la Santé le 28 août 2025, et ses rencontres régionales soutenues par les Agences Régionales de Santé.
- Déployer la Maison des Soignants un espace physique complémentaire aux initiatives locales qui propose une offre servicielle accessible à tous sur les territoires. Son ambition est de l’étendre à toutes les régions d’ici 2050, complétée dès à présent par une MDS numérique.
- Renforcer sa visibilité et sa présence auprès des étudiants en santé avec l’aide des fédérations étudiantes et de ses délégués régionaux.
Lire l’intégralité du livre blanc
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !